Pétrole gabonais : Un levier de transformation ou une richesse mal exploitée ?

Alors que la campagne présidentielle bat son plein au Gabon, il est crucial de recentrer le débat sur l’un des piliers fondamentaux de l’économie nationale : le pétrole. Cette ressource, qui a longtemps été le moteur du développement du pays, pourrait propulser le Gabon vers une prospérité durable si elle est exploitée avec vision et stratégie. Mais encore faut-il poser les bonnes questions : Comment optimiser cette richesse ? Pourquoi le Gabon, malgré des décennies d’exploitation pétrolière, peine-t-il encore à diversifier son économie ? Quels leviers actionner pour que cette manne profite réellement aux gabonais ?

Un potentiel immense, mais sous-exploité

Avec une production d’environ 200 000 barils par jour, le Gabon demeure un acteur clé du pétrole en Afrique centrale. Le pays est membre de l’OPEP et possède des réserves estimées à 2 milliards de barils, ce qui lui confère une position stratégique. Cependant, cette richesse naturelle n’a pas toujours été synonyme de prospérité pour la population. Depuis l’indépendance, le Gabon dépend du pétrole, mais cette dépendance s’est accompagnée de problèmes structurels majeurs :

• Un manque de diversification économique, rendant le pays vulnérable aux fluctuations des cours du pétrole.
• Une gestion opaque des revenus pétroliers, avec des ressources souvent mal redistribuées.
• Des infrastructures sous-développées, alors que les recettes pétrolières auraient pu financer des projets structurants.

La question clé est donc la suivante : le pétrole doit-il continuer à être une malédiction ou peut-il devenir un levier de transformation pour l’avenir du Gabon ?

Les failles d’un modèle économique basé sur l’or noir

• Une dépendance excessive aux hydrocarbures
Le secteur pétrolier représente environ 38% du PIB et 70% des recettes d’exportation. Cela signifie que le Gabon est extrêmement vulnérable aux crises pétrolières. Dès qu’une chute des prix survient, le pays est en difficulté, faute d’une économie suffisamment diversifiée.

• Un développement peu inclusif
Les bénéfices du pétrole ont souvent profité à une minorité, laissant une grande partie de la population sans accès aux infrastructures de base. Les routes, les écoles, l’accès à l’eau et à l’électricité restent des défis majeurs malgré des décennies de revenus pétroliers.

• Un secteur sous-exploité technologiquement
Le Gabon continue de dépendre des multinationales étrangères pour l’extraction et la commercialisation du pétrole. L’absence de transfert de technologie et de formation pour les Gabonais freine l’émergence d’une industrie pétrolière locale forte.
Les solutions pour une gestion plus intelligente du pétrole gabonais
L’élection présidentielle du 12 avril est une occasion en or pour repenser l’avenir du secteur pétrolier. Il est impératif que les candidats abordent cette question avec rigueur, ambition et réalisme. Voici quelques pistes pour transformer le pétrole en un véritable moteur de développement durable :

• Créer un fonds souverain pour sécuriser l’avenir : Inspiré du modèle norvégien, un fonds souverain alimenté par une partie des revenus pétroliers permettrait au Gabon de :
 Financer des projets de long terme (infrastructures, santé, éducation).
 Stabiliser l’économie face aux crises pétrolières.
 Assurer une épargne pour les générations futures.

• Investir dans la transformation locale du pétrole : Plutôt que d’exporter uniquement du pétrole brut, le Gabon doit développer une industrie de raffinage et de pétrochimie. Cela permettrait :

 De créer plus d’emplois locaux dans la transformation des hydrocarbures.

 De réduire la dépendance aux importations de produits pétroliers raffinés.

• Encourager la transition énergétique : L’avenir du pétrole est incertain, et le Gabon doit commencer dès maintenant à préparer l’après-pétrole. Le pays possède un potentiel énorme en énergies renouvelables (hydroélectricité, solaire, biomasse) qu’il faut exploiter pour anticiper la transition énergétique mondiale.

• Garantir une gestion transparente et équitable des revenus : L’opacité dans la gestion des fonds pétroliers a souvent conduit à des soupçons de corruption. Une meilleure transparence budgétaire, avec des comptes publics accessibles et audités régulièrement, permettrait aux Gabonais de s’assurer que l’argent du pétrole profite réellement à la nation.

Le Gabon à un tournant décisif

L’élection présidentielle de cette année doit être l’occasion de mettre en débat une nouvelle vision pour le pétrole gabonais. Ce secteur ne peut plus être simplement un sujet de promesses électorales, il doit devenir un véritable levier de transformation économique et sociale. Les gabonais doivent être vigilants face aux discours simplistes qui promettent des richesses immédiates sans stratégie à long terme.
Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est un programme clair, structuré et pragmatique, qui prend en compte les défis du présent et les ambitions du futur. Le pétrole du Gabon est une opportunité exceptionnelle. Mais sans une gouvernance rigoureuse, une gestion visionnaire et des investissements stratégiques, il restera un trésor sous-exploité, incapable de sortir le pays de sa dépendance. L’avenir du Gabon ne se jouera pas uniquement sur l’extraction du pétrole, mais sur sa capacité à l’utiliser intelligemment pour construire un avenir prospère pour tous.