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Analyse de l’image : une allégorie symptômatique des contradictions gabonaises à l’aube d’une transition inaboutie

L’image qui nous est soumise se fait l’écho silencieux mais éloquent des dissonances qui déchirent le Gabon contemporain. Elle cristallise, dans un cadre visuel d’une simplicité presque brutale, le paradoxe d’une nation tiraillée entre l’appel d’une rupture proclamée et la pesanteur d’une continuité sournoise.

I. Le vêtement comme palimpseste politique
La femme figurant sur ce cliché incarne, à elle seule, la dualité schizophrénique d’un pays en quête de renaissance.

  • Le haut, orné du sigle « RDB » (Rassemblement des Bâtisseurs) : Cet emblème, étendard autoproclamé de la régénération nationale, se veut le symbole d’un Gabon nouveau, purgé des scories de l’ancien monde. Il clame haut et fort la promesse d’une refondation, d’une ère où les ruines du passé serviraient d’assises à un édifice plus juste.
  • Le bas, drapé dans le pagne à l’effigie d’Ali Bongo) : Ce tissu, vestige d’une campagne électorale à jamais interrompue, agit comme un rappel spectral. Il murmure que les fantômes de l’ancien régime hantent encore les couloirs du pouvoir, que les visages changent, mais que les mécaniques, elles, demeurent.

Cette superposition vestimentaire n’est pas sans évoquer un corps politique scindé : une tête tournée vers l’avenir, des membres encore englués dans les sables mouvants d’un système révolu mais tenace.

II. « DEGBATISSURE » : ou la rhétorique de l’entre-deux
Ce néologisme, contraction de « degré », « bâtisseur » et « rupture », sonne comme une moquerie involontaire. Il trahit l’ambiguïté d’une transition qui se voudrait radicale mais n’ose s’affranchir des oripeaux du passé. Une rupture par degrés, donc, ou plutôt une rupture en trompe-l’œil, où l’on détruit pour mieux reconstruire… sur les mêmes fondations.

III. « EXCEPTABLEMEN » : la grammaire du compromis
Cette torsion linguistique, déformation de « acceptablement », est une trouvaille inconsciemment géniale. Elle révèle l’accommodement avec l’inacceptable, cette alchimie par laquelle l’exceptionnel devient routine, et l’injustifiable, norme. Le putsch, présenté comme un mal nécessaire, se mue en caution d’un ordre nouveau qui, sous des atours différents, perpétue l’ancien.

IV. La persistance des ombres
L’image, par son apparente banalité, dit l’essentiel :

  • L’opportunisme des survivances : Les symboles de l’ancien pouvoir coexistent, sans honte ni gêne, avec ceux du nouveau. Preuve que les fidélités, en politique, sont moins affaire de conviction que de circonstances.
  • L’illusion de la table rase : Ali Bongo, bien que déchu, demeure une présence obsédante. Son effigie, imprimée sur ce pagne, est comme ces cicatrices qui résistent à l’oubli. Le PDG, en tant que structure, lui survit.

V. Conclusion : le crépuscule des illusions
Ainsi, cette photographie, dans sa sobriété cruelle, résume tout le drame gabonais : un peuple suspendu entre deux récits, deux légitimités, deux époques. La transition, loin d’être ce grand soir tant espéré, n’est peut-être qu’un interrègne, un moment où l’histoire hésite avant de choisir entre la renaissance véritable et la restauration déguisée.

Et l’on ne peut s’empêcher de songer à cette phrase de Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Le Gabon, aujourd’hui, est ce clair-obscur.

Une réflexion sur “Analyse de l’image : une allégorie symptômatique des contradictions gabonaises à l’aube d’une transition inaboutie

  • Abessolo Abessolo Nkili

    Les deux réalités portés par une seule personne, nous révèle que c’est toujours le même système mais sous une forme différente…

    Maître Kiassô

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