Oligui Nguema sous les feux de « 1 Candidat, 1 Projet » : une rhétorique du concret face aux attentes des Gabonais
Le 8 avril 2025 – À trois jours d’un scrutin présidentiel aussi attendu que redouté, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, figure incontournable d’un Gabon en transition, s’est livré à l’exercice périlleux de l’émission « 1 Candidat, 1 Projet ». Sous l’œil scrutateur des caméras de Gabon Télévision et dans le cadre strict orchestré par la Haute Autorité de la Communication (HAC), l’homme fort du régime issu du coup d’État du 30 août 2023 a déployé une parole mesurée, loin des envolées lyriques, mais chargée d’une promesse : celle d’un pouvoir incarné par l’action plutôt que par les mots.
Une éloquence en creux : le plaidoyer du pragmatisme
D’emblée, le président de la Transition a assumé son rapport austère à la langue avec une captatio benevolentiae. » Ce soir, vous découvrez un homme à qui Dieu n’a pas donné la chance d’être un grand orateur, mais d’être un homme de conviction, un homme qui bâtit « , a-t-il déclaré, dans une formule reprise avec empressement par ses partisans sur les réseaux sociaux. Ce renoncement apparent à la séduction verbale n’est pas sans stratagème : il consacre une posture, celle du bâtisseur plus soucieux de résultats que d’éclat.
Son discours, émaillé d’énumérations techniques – routes réhabilitées, emplois générés par des initiatives comme « Taxis Gab », modernisation des infrastructures –, a esquissé les contours d’un bilan plus que d’un programme. La Transition, selon lui, serait déjà une « exception » vouée à figurer « dans les annales des grandes académies ». Une affirmation ambitieuse, sinon provocante, pour un pouvoir né d’un putsch, mais qui cherche désormais à se parer des atours d’une légitimité institutionnelle.
La presse en demi-teinte : entre reconnaissance et frustration
Les rédactions, qu’elles soient locales ou internationales, ont accueilli sa prestation avec une retenue polie. Certains, comme l’analyste @DworaczekBendom sur X, y ont vu une « maîtrise remarquable », louant un calme « olympien » contrastant avec les emportements attribués à d’autres candidats. D’aucuns ont même suggéré que la HAC, accusée par le passé de partialité, aurait cette fois ménagé le général, évitant les questions épineuses sur son héritage politique ou les zones d’ombre de sa gouvernance.
Pourtant, des voix critiques se sont élevées, notamment dans les colonnes de Gabonreview.com, pour regretter l’absence d’un véritable débat contradictoire. La demande, portée dès le 6 avril par Métandou Mia Mékambo, d’un affrontement télévisé entre les principaux prétendants à la magistrature suprême, est restée sans suite. Une occasion manquée, estiment certains, pour évaluer la solidité des propositions d’Oligui Nguema face à celles de ses rivaux.
Les réseaux sociaux : chambre d’échos et champ de bataille
Sur X, la réception de son intervention a épousé les fractures d’une opinion publique gabonaise tiraillée entre espoir et méfiance. Des comptes militants, comme @cbon2025, ont relayé avec ferveur ses déclarations, martelant des hashtag tels que #Le12CestLe12 ou #Gabon2025, tandis que d’autres internautes, à l’instar de @smiters_cartel, ont confessé une surprise mitigée : « Le général Oligui m’a déconcerté en bien ; j’anticipais un naufrage, mais il a su briller par instants. »
Cette ambivalence reflète une réalité plus profonde : si Brice Clotaire Oligui Nguema ne séduit pas par sa verve, il parvient à incarner, pour une partie de la population, une forme de proximité avec les préoccupations quotidiennes. Reste que son passé militaire et ses liens, même distendus, avec l’ancien régime Bongo continuent de nourrir des réserves. L’émission n’aura pas dissipé ces ombres.
L’heure du verdict approche : la métamorphose en jeu
À l’orée du 12 avril, cette prestation semble avoir consolidé la position de favori du général. Son récit – celui d’un Gabon en reconstruction, porté par un leadership pragmatique – trouve un écho certain, renforcé par une opposition encore éparpillée.
Mais une question persiste : cette rhétorique du concret suffira-t-elle à convaincre au-delà de son socle acquis ? À apaiser les appels à plus de transparence ? À trois jours du scrutin, le général Oligui Nguema joue désormais à quitte ou double : après avoir troqué l’uniforme pour le costume du politique, parviendra-t-il à transformer l’essai en légitimité électorale ?
L’histoire, et les urnes, trancheront.