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Présidentielle au Gabon : Thierry Yvon Michel Ngoma, un projet d’indépendance qui manque de cap

Le 12 avril prochain, les gabonais seront appelés aux urnes pour élire le nouveau président de la République. Le candidat Thierry Yvon Michel Ngoma attire l’attention par la radicalité de certains de ses discours, et notamment sa promesse de conduire le Gabon vers une « véritable indépendance ». Mais derrière les slogans et les formules-chocs, une question essentielle demeure : le programme du candidat Ngoma est-il à la hauteur des défis du pays ?

Un discours d’émancipation qui séduit… mais ne convainc pas encore

Au cœur du projet porté par Thierry Yvon Michel Ngoma, on retrouve une ambition récurrente dans les débats politiques d’Afrique francophone. Il s’agit de la sortie du Franc. Selon le candidat Ngoma, cette rupture permettrait de restaurer la souveraineté économique du Gabon et de réorienter les ressources vers des priorités nationales : infrastructures, éducation, santé, industrialisation. L’intention est claire. L’objectif est noble. Mais le chemin proposé reste flou. Sortir du Franc CFA ne se décrète pas en un discours. C’est un processus complexe, à la fois monétaire, institutionnel, économique et géopolitique. Quels mécanismes de transition ? Quelle nouvelle monnaie ? Quelles garanties pour éviter la fuite des capitaux et l’hyperinflation ? Quelles mesures pour sécuriser les investissements ? Autant de questions qui restent sans réponse dans le discours du candidat.

Le CFA, un faux débat s’il n’est pas adossé à une vision globale

L’idée de sortir du FCFA trouve un écho chez une partie de la jeunesse africaine, frustrée par une monnaie jugée « postcoloniale » et par des économies trop dépendantes des exportations de matières premières. Mais la réalité est plus nuancée : la souveraineté monétaire n’a de sens que si elle s’inscrit dans une stratégie économique cohérente et rigoureuse. Or, dans le programme de Thierry Ngoma, cette stratégie semble faire défaut. Il ne suffit pas d’annoncer le rapatriement des réserves : encore faut-il expliquer comment ces fonds seront utilisés, avec quels garde-fous, dans quelles priorités budgétaires, et avec quelle architecture institutionnelle. Le risque ici, c’est de réduire une question monétaire complexe à un simple outil de marketing électoral, sans se soucier des implications profondes pour le tissu économique gabonais.

Un programme encore trop léger pour rassurer

En parcourant les autres volets du projet de société présenté par le candidat Ngoma, on note un déficit flagrant de mesures concrètes. Peu d’éléments sur la gouvernance, l’éducation, la transition énergétique, la réforme de l’administration publique ou encore la lutte contre la corruption. Autant de thématiques pourtant centrales pour répondre aux attentes des citoyens. Sa candidature semble reposer davantage sur un positionnement symbolique à savoir rompre avec le système, restaurer la fierté, que sur un véritable plan d’action structuré et chiffré. Un positionnement qui peut séduire un électorat en quête de rupture, mais qui laisse planer de sérieux doutes sur sa capacité à gouverner.

L’exigence de clarté dans une campagne décisive

L’élection présidentielle du 18 avril n’est pas une élection comme les autres. Elle intervient après la chute du régime Bongo, dans un contexte de transition délicate et de quête nationale de sens. Les Gabonais n’attendent pas seulement des symboles ou des formules-chocs. Ils veulent des réponses, des preuves de sérieux, des projets concrets. Dans ce contexte, chaque candidat a une responsabilité, celle de proposer une vision lucide, réalisable, et suffisamment détaillée pour inspirer confiance. Sur ce plan, Thierry Yvon Michel Ngoma devra, s’il veut espérer peser dans le débat, étoffer son discours, chiffrer ses propositions, et démontrer sa maîtrise des dossiers les plus sensibles. Le Gabon a tourné une page. Il lui reste à écrire un nouveau chapitre. Mais pour que ce récit collectif soit porteur d’espoir et de progrès, il faudra plus qu’un rejet du passé. Il faudra de la méthode, du sérieux, une vision de long terme. Les électeurs gabonais méritent des débats de fond, des engagements argumentés, et des leaders capables de faire la pédagogie du changement. Les slogans ne suffisent plus. L’heure est à la responsabilité.

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