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Présidentielle au Gabon : pour qui va voter Ali Bongo ?

C’est un scrutin historique : ce samedi 12 avril 2025, les Gabonais votent pour choisir leur nouveau président. Ce sera le quatrième de l’histoire du pays, après Léon Mba, Omar Bongo, et… Ali Bongo Ondimba. Celui qui, quinze ans durant, a régné sur le Gabon avant d’être brutalement écarté du pouvoir lors du coup d’État du 30 août 2023. Depuis, plus rien, ou presque. Ali Bongo s’est tu. À l’exception d’une brève vidéo où il appelait ses « amis » à venir à son secours, l’ancien président a plongé dans le silence. Confiné à Libreville, invisible dans l’espace public, il est à la fois présent dans toutes les mémoires et absent de toutes les arènes. Mais aujourd’hui, alors que les Gabonais s’expriment pour écrire une nouvelle page, une question traverse les esprits, mi-sérieuse, mi-provocatrice : pour qui va voter Ali Bongo ?

L’homme d’hier face à la page blanche d’aujourd’hui

C’est une question évidemment rhétorique. Ali Bongo peut-il seulement voter ? A-t-il conservé ses droits civiques ? Mystère. Et si oui, s’est-il déplacé ce matin, discrètement, dans un bureau de vote à Akanda ou à Glass ? Difficile à croire. Ce scrutin se déroule sans lui, sans son nom sur un bulletin, sans même une déclaration publique sur ses intentions. Une première depuis 1967 pour un Bongo. Mais au fond, derrière la boutade, se cache une vraie interrogation politique : que reste-t-il du « système Bongo » ? De cette machine à gouverner, à contrôler, à durer, qui aura traversé plus d’un demi-siècle de vie gabonaise ? Si Ali Bongo ne parle plus, ses anciens fidèles, eux, sont nombreux à avoir rallié la candidature d’Oligui Nguema, ou à se recycler sous d’autres bannières. Certains font même campagne aujourd’hui. La politique, au Gabon, a l’art de la résilience.

Une mémoire politique encore vivante… et encombrante

Le silence d’Ali Bongo interroge aussi parce qu’il pèse lourd, politiquement et symboliquement. Comment oublier que c’est sur son bilan que le général Brice Clotaire a bâti sa légitimité de transition ? Comment oublier que c’est au nom de la lutte contre les abus de ce régime que le coup d’État a été applaudi, au Gabon comme à l’étranger ? Et pourtant, paradoxalement, le régime Bongo n’a jamais été aussi vivant qu’en ce jour de vote. Son ancienne élite participe au scrutin. Son parti, le PDG, n’a pas été dissous. Ses réflexes, sa culture de pouvoir, sa manière de faire campagne, sont encore là, bien présents. Ce n’est plus Ali Bongo qui dirige, mais ses fantômes flottent sur cette présidentielle.

Ali Bongo : une figure à réhabiliter ou à oublier ?
À Libreville, Franceville ou Port-Gentil, le nom d’Ali Bongo reste clivant. Pour certains, il est le symbole d’un pouvoir coupé du peuple, d’une démocratie de façade et d’un népotisme enraciné. Pour d’autres, il est un chef d’État modernisateur, qui aura tenté, malgré la maladie et les résistances internes, de réformer le pays. Mais pour la majorité des Gabonais, il est désormais une page tournée. Une figure du passé, regardée avec un mélange de curiosité, de lassitude, parfois même de compassion. Les questions ne manquent pas : Que pense-t-il de la transition ? Regarde-t-il les débats à la télévision ? Est-il amer ? Soulagé ? En paix avec son histoire ? On ne le saura sans doute pas.

Un vote sans lui, mais pas sans son héritage

Ce 12 avril 2025, le Gabon vote sans Ali Bongo, mais pas sans le poids de son règne. Le général Oligui, favori du scrutin, a tout fait pour se démarquer, tout en reprenant certains codes. Les opposants, eux, surfent sur le rejet du système Bongo, mais peinent à incarner une véritable alternative. Difficile, dans ces conditions, de ne pas voir dans cette présidentielle un miroir déformant des années Bongo. Alors, pour qui va voter Ali Bongo ? Peut-être pour lui-même. Peut-être pour personne. Peut-être regarde-t-il, en silence, la nation qu’il a dirigée pendant quinze ans tenter de lui survivre démocratiquement.

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