Gabon/Économie : Ce que signifie la dégradation de la note du Gabon par Fitch
Libreville, 23 avril 2025 – Le Gabon vient de voir sa note souveraine abaissée par l’agence Fitch Ratings, passant de « CCC+ » à « CCC ». Cette décision met à nouveau en lumière le rôle souvent méconnu – mais capital – des agences de notation financière, qui influencent fortement l’image économique d’un pays sur la scène internationale. Pour comprendre les implications de cette annonce, encore faut-il décortiquer le fonctionnement de ces agences et s’interroger sur la fiabilité de leurs méthodes.
Les agences de notation, arbitres économiques du crédit mondial
Fitch Ratings, tout comme Moody’s ou Standard & Poor’s, est une agence de notation financière. Leur mission principale : évaluer la capacité d’un État ou d’une entreprise à rembourser ses dettes. Elles attribuent pour cela une note, sur une échelle allant généralement de « AAA » (excellente solvabilité) à « D » (défaut de paiement avéré). Cette note sert de boussole aux investisseurs, qui s’en servent pour décider s’ils vont prêter de l’argent à un pays – et à quel taux.
Concrètement, une note « CCC » comme celle désormais attribuée au Gabon signifie que le pays est jugé comme étant à haut risque de non-remboursement. Cela ne veut pas dire qu’un défaut est certain, mais qu’il est perçu comme probable en l’absence d’un retournement de situation ou d’un soutien financier extérieur. Ce type de notation appartient à la catégorie dite « spéculative » ou « junk », ce qui accroît mécaniquement les taux d’intérêt appliqués aux emprunts du pays.
Quels critères sont pris en compte ?
Les agences de notation fondent leur analyse sur plusieurs indicateurs économiques, financiers et politiques. Elles scrutent notamment le taux d’endettement public, la croissance du PIB, l’inflation, le niveau des réserves de change, le solde budgétaire ou encore la stabilité politique. À cela s’ajoutent des éléments plus subjectifs, comme la crédibilité des institutions, la gouvernance, ou encore la volonté supposée des autorités à rembourser leurs dettes.
C’est précisément ce mélange de données objectives et de jugements d’experts qui nourrit la principale critique formulée à l’égard de ces agences : leur évaluation n’est pas une science exacte. La subjectivité inhérente à certains critères, le manque de transparence de leurs modèles ou encore les conflits d’intérêts potentiels (puisqu’elles sont rémunérées par les entités qu’elles notent) fragilisent leur légitimité, en particulier dans les pays en développement.
Une influence contestée en Afrique
En Afrique, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer une sévérité disproportionnée des agences de notation à l’égard des pays du continent. Plusieurs dirigeants et économistes estiment que ces notations sous-estiment les efforts de réforme entrepris localement, et amplifient les risques perçus, ce qui prive les États africains d’un accès équitable aux marchés financiers. Ce débat récurrent soulève une question essentielle : les agences de notation jugent-elles tous les pays selon les mêmes standards ?
Dans le cas du Gabon, la dégradation récente repose notamment sur l’accumulation d’arriérés de paiement envers certains créanciers, des tensions sur la trésorerie de l’État et une exposition encore trop forte aux recettes pétrolières. Pourtant, le pays traverse également une transition politique majeure, porteuse d’espoir.
Oligui Nguema, symbole d’un renouveau économique possible
L’élection du président Brice Clotaire Oligui Nguema a marqué un tournant politique important pour le Gabon. Porté par une volonté affirmée de rupture et de redressement, le nouveau chef de l’État a présenté un ambitieux projet de société centré sur la diversification économique, la bonne gouvernance et la création d’emplois.
Parmi les chantiers annoncés figurent la construction d’infrastructures structurantes – un port en eau profonde à Mayumba, une ligne ferroviaire stratégique, un barrage hydroélectrique – ainsi que des réformes administratives pour améliorer l’environnement des affaires. Ces projets visent à relancer l’économie en profondeur, à sortir de la dépendance au pétrole, et à offrir des perspectives concrètes à une jeunesse en quête d’opportunités.
Une note n’est pas une fatalité
Certes, une mauvaise note souveraine complique l’accès au financement et pèse sur la confiance des investisseurs. Mais elle n’est pas une sentence irréversible. Des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Rwanda ont, par le passé, su redresser leur image financière en mettant en œuvre des réformes crédibles et en instaurant une gestion rigoureuse des finances publiques.
Le Gabon dispose aujourd’hui d’un contexte politique favorable pour enclencher une telle dynamique. L’enjeu sera de transformer les promesses en actions concrètes et durables, tout en engageant un dialogue stratégique avec les partenaires financiers, y compris les agences de notation. Car si ces dernières influencent les marchés, ce sont les politiques publiques, elles, qui façonnent réellement l’avenir économique d’un pays.